Hier soir, c'était la fantaisie d'une balustrade d'un balcon
l'illumination de fenêtres, l'invitation d'une porte.
Puis, le jour est revenu...
A l'intersection de plusieurs chemins (avenue Jounot, rue d'Orchamp, rue Norvins), des ateliers d'artiste se regroupent d'un côté : c'est la Cité Internationale des Arts. Arrive ensuite un décrochement qui forme un belvédère, et nous précipite sur un vaste panorama devant lequel se découpe la silhouette d'une plaque de rue : l'occasion nous est offerte
de voir resurgir en un clin d'oeil, des souvenirs littéraires privilégiés.
En cette fin d'après midi, un silence surnaturel laisse filtrer des chuchotements que j'attribue au vent, et nos pas effleurant les pavées flottent dans une apesanteur irréelle...une atmosphère que Marcel Aymé, qui a longtemps élu domicile dans la rue,
a sans doute bien connue
A peine avons nous atteint la côte ardue de la rue Norvins que nous voici happés contre un mur.
" Il y avait à Montmartre un excellent homme nommé Dutilleul qui possedait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé"
(Le Passe Muraille" - Marcel Aymé - 1943)
Dutilleul, un fonctionnaire médiocre vit une existence sans éclat, rythmée par la médiocrité bien réglée d'un monde moderne.
Un jour, par hasard, il se découvre un talent extraordinaire. Il en joue, et réserve à son entourage des tours pendables.
L’amour perd cependant notre héros qui reste piégé à l’intérieur d’une muraille au sortir d’une nuit passionnée....
Il a plu à Jean Marais, habitant du quartier de le surprendre en plein "délit" (1989)
« Certains nuits d’hiver,dans la solitude sonore de la rue Norvins » seul les accords de guitare joué par le peintre Gen Paul, « pénètrent au cœur de la pierre comme des gouttes de lune »…..
Nous retrouvons avec une émotion presque aussi intense, le visage hexagonal du premier château d'eau de Montmartre
Et en face, au numéro 113 de l'ancienne rue Trainée (devenue 22 rue Norvins) apparaît, précédée d'un jardin, une propriété néo-classique du XVIII siècle . Connue sous le nom de "Folie Cendrin" ou (Folie Sandrin) à cause de son premier propriétaire, cette maison d'agrément rachetée par un marchand de vin, devient ensuite la première maison psychiatrique du Docteur Esprit Blanche.
Nerval qui jouissait d'une chambre avec vue sur la rue, y raconte ses "séjours occasionnels".
Partis de rien ou presque, au hasard d'une modeste intersection sur la rue Lepic occultée par l'ombre des ailes du "Radet", nous voici engagés dans une voie toute pavée qui nous accompagne sur une distance dont nous n'avions pas suspecté l'impact.
La rue Norvins nous a élevés comme par enchantement vers des sommets, le "saint du saint" niché à cent trente mètres, Une surprise que ses abords premiers, extraordinairement calmes, ne nous avaient pas laissés présager.
La petite impasse qui ne mène nul part recèle de joyeux gremlins dans ses replis discrets
Comme par enchantement, nous venons d'atteindre les confins de la Place du Tertre.