Depuis des temps immémoriaux, mes pattes s'étaient retournées dans le sens inverse de la marche...Elles se trouvaient simplement à mes côtés, mais je ne ressentais plus l'utilité de leur présence ...
J'occupais mes journées et mes nuits à chauffer mes coussins.
Elle m'avait calé dans une voiturette, nourri, lavé, massé, emmené consulter des spécialistes...
La messe était-elle dite ?
Comblé de tendre sollicitude, je semblais me contenter d'une morne retraite dans ma douillette couche. Au fil du temps pourtant, l'ennui m'a parfois rendu morose, insidieusement tyrannique : par moments, je me suis même surpris à aboyer des ordres...
Et puis, j'ai réfléchi : je ne pouvais me laisser abattre par le sort, ni continuer à le subir ; j'ai alors entrepris d' évaluer l'état de mes ressources : il m'en restait quelques unes... et j'ai commencé à avancer, imperceptiblement sur le ventre, avant de redécouvrir la puissance de mes cuisses, la force de mes genoux. J'ai trouvé le moyen de me glisser par ici, suis parvenu à me hisser par là, à atteindre les endroits les plus improbables, les plus inaccessibles...
Et ce matin, contre toute attente, j'ai retrouvé ma position naturelle.
Je viens de traverser à une vitesse à laquelle nul n'était plus habitué, la surface habitable de toute ma tribu.
J'ai retrouvé mon aplomb et ma bonhomie naturelle.
Tout le monde est content : SONNEZ TROMPETTES !
Quelques pas retrouvés, quelques balades dans l'avenir, sans doute.
Pour le moment, je retrouve avec satisfaction le réconfort de mes couettes.