Est-ce un hasard si le nom de Tampa retentit comme un roulement de tonnerre ?
Les Calusas, premiers habitants amérindiens établis dans la région, semblent avoir déjà en leur temps repéré la "capitale mondiale des orages"
Au XVI siècle, les conquistadors espagnols chercheurs d'or dont Hernando de Soto découvrent ces territoires. Les Amérindiens - certaines tribus sont installés dans la baie de Tampa et vivent des produits de leurs pêches- leur opposent une résistance acharnée. Déçus de ne trouver trace de ce précieux minerai dans ces contrées, les colons espagnols battent en retraite, non sans avoir semé dans leur sillage des maladies inconnues des indigènes. .
Des pêcheurs Cubains viennent à leur tour s'installer dans la baie, avant que la région ne subisse une deuxième période de colonisation espagnole. Les colonisateurs recueillent et encouragent la venue d'esclaves, considérés comme libres en Floride..
Les Anglais revendiquent bientôt cet appendice géographique qui échappe à leur autorité et menace de contaminer les régions voisines par leurs désordres. Ils font appel aux Améridiens pour mater leurs colonies récalcitrantes.
A la suite de la Révolution Américaine (1783), la Floride devient le vingt-septième Etat de l'Union. Les Amérindiens désormais laissés à la merci des nouveaux Etats Unis sont détestés par la population.. On ne manque pas d' évoquer le rôle qu'ils ont accepté de jouer pendant la guerre d'Indépendance, pour les persécuter. Massacrés et dépossédés de leurs terres les Améridiens résistent farouchement. Au terme de "guerres séminoles" successives, et onéreuses pour l'Union, les Indiens sont relégués dans des réserves marécageuses. En échange de quelques maigres "avantages matériels" ils se voient contraints d'accepter de rendre de menus services (maintenir l'ordre public, restituer les esclaves). Nombreux sont ceux parmi eux, qui ne survivent pas à la misère, ni au climat hostile des marécages.
Les "Séminoles" se concentrent aujourd'hui majoritairement dans une réserve située dans la ville d'Hollywood, à proximité de Miami. Ils vivent de petits commerces, tiennent des établissement hôteliers et gèrent des casinos.
Le souvenir de mes incursions dans la petite réserve de Tampa où je m'approvisionnais en produits détaxées (cigarettes, essence, alcool) reste encore présent. La réserve n'était séparée des flux incessants de la circulation automobile que par une modeste barrière coulissante que rien ne distinguait des d'entrées d'entrepôts qui l'entouraient. En 2009 , les autorité ont tenté de faire interdire la vente détaxée du tabac en Floride, mais ne purent imposer cette mesure, la réserve étant considérée de plein droit comme propriété des Indiens, une nations souveraine à par entière dans la nation.
1825 : Le village de Tampa est officiellement créé mais se développe lentement en raison de son isolement géographique, et des moustiques qui colportent des épidémies de fièvre jaune. Elle ne prend son essor qu'à partir de 1883 lors de la découverte de phosphates dans la région, puis du désenclavement de la ville avec l'arrivée du chemin de fer.
A la fin des années 1880, un certain Vincente Martinez Ybor délocalise sa fabrique de cigares de Key West à Tampa. Des ouvriers d'origine cubaine et espagnole s'affairent, fabriquant jusqu'à 700 millions de cigares par jour à partir du tabac importé de la Havane. Ces travailleurs du cigare éprouvant aussi la nécessité de se détendre, de nombreux cafés et lieux de divertisssment viennent s'établir à proximité. Cet ancien quartier qui garde le nom d'Ybor City, rassemble un réseau de petites rues pavées, ourlées de balcons de fer forgé ouvragés, et présente toujours le visage avenant d'un village. Il est resté le rendez-vous incontournable de la jeunesse et des artistes.
La ville florissante attire de nombreux commerçants juifs...et siciliens. Au cours des années de la Prohibition, Tampa devient le théâtre de crime organisé. Des gangs dont les ramifications s'étendent jusqu'à New-York et à Cuba, dirigés par des figures mythiques telles que celle de Charlie Wall, ou de Santo Trafficante (père et fils), parviennent à corrompre les notables municipaux. Une série de procès se tiennent dans les années 1950 pour mettre fin aux gabegies.
La tradition hispanique toujours vivante, a été confortée dans les années 1980 par des vagues d'immigration massives de "contre révolutionnaires" cubains, ennemis du régime de Fidel Castro.
Les deux dernières décades du XX siècle ont vu grandir la ville en accéléré. Des immeubles de verre et d'acier qui abritent majoritairement banques et assurance s'érigent avec une aisance surprenante au milieu de rues historiques qui ont gardé des dimensions humaines. La silhouette du quartier d'affaires se découpe tel un gigantesque puzzle .
Une urbanisation gourmande qui dévore la nature... Rivages et bords de mer ont été pris d'assaut. Des villas cossues s'agglomèrent par centaines, là où s'épanouissaient des espaces vierges. Des centaines d'hectares de faune et de flore sauvages ont été "nettoyés" au bulldozer : pélicans, flamands roses et autres créatures du paradis (ou de l'enfer) chassés de leur habitat sans autre forme de procès. Les habitations nouvelles et légères désormais privées de l'ombre bienfaisante dispensée par les palmiers et autres chênes disparus, sont exposées à la rudesse du soleil, tandis qu'à leur côté les turbines des climatiseurs ne cessent de bourdonner s'efforçant à vil coût de tempérerleur vulnérabilité. Les allées qui desservent ces nouvelles enclaves, portent des noms charmants de coquillages ou de bateaux de plaisance.
Les anciens quartiers semblent déterminés à se tenir en retrait des excès. Des familles de riverains se transmettent d'une génération à l'autre un patrimoine immobilier d'autant plus appréciable qu'on y goûte, à l'ombre de ces tonnelles une qualité de vie en déclin progressif.
Les rues ont des consonances chantantes particulières qui évoquent un passé mouvementé, indien et hispanique...
Par endroit, il est toujours possible de s'approvisionner librement en agrumes tombés des jardins sur la voie publique.
Nous avons retrouvé, guidés par le hasard, cette église néo gothique, étrange alliage d'un romantique retour au passé et d'un enthousiasme exprimée pour l'avenir d'une civilisation alors en pleine expansion industrielle.
Par un soir d'été 1983, un jeune couple d'amoureux avait officiellement proclamé son union devant une importante assemblée qui emplissait la chapelle, en se promettant l'un à l'autre un amour inconditionnel et éternel.
Comment pourrais-je aujourd'hui renier cette tranche de vie, et l'intensité de sentiments assez profonds en leur temps pour produire deux enfants...
Les vitraux Tiffany ornés de végétaux qui filtraient des lueurs venues d'Orient faisaient la fierté des paroissiens
Signe des temps, la paroisse a depuis lors subi les effets adverses de récessions économiques. Elle a mis les clés sous la porte. La chapelle et ses dépendances ont du être vendus.
Les soirées apportent le réconfort de leur douceur. Une pluie d'orage a balayé la chaleur moite La baie s'illumine. Nous venons de longer sur des kilomètres, le plus long trottoir ininterrompu du monde.