Dans la perspective de la gare de l'Est, se niche au coin de la rue Chabrol et du boulevard Magenta, presque dans le prolongement de la rue du Faubourg Saint-Denis, un hall fait de poutres métalliques. Un panneau bien blanc annonce le Marché couvert de Saint-Quentin.
Quelques passagers anonymes s'extraient d'une voûte qui fait suite à l'antre multicolore, en retrait de la nuit .
La lumière nous appelle irrésistiblement. A notre tour nous franchissons le porte vitrée qui coulisse pour laisser libre cours à une irrépressible curiosité
Un modèle réduit de ce que représentaient les Halles de Baltard apparaît: dans le centre de la capitale, des pavillons identiques abritaient jusqu'au début des années soixante-dix "le ventre de Paris".
Les grandes "Halles" ont été abattues, dans des gerbes d'étincelles, disséminées dans d'épais nuages de fumées. Un seul pavillon de Baltard, rescapé du "grand chambardement," a été sauvé de justesse et transplanté à Nogent-sur-Marne, où il fait office d'espace polyvalent pour abriter outre l'orgue du feu Gaumont-Palace de la rue Caulaincourt, des répétitions de la "Star Académie".
Le Pavillon du marché de Saint-Quentin, ressemble comme un frère à ces édifices disparus. dans son apparence, comme dans l'esprit qu'on se prend à y respirer.. On flâne, on goûte, on sent, on regarde, on discute, on observe, on écoute.
Araignée spatiale ou noeud d'ogives au faît d'un temple ? Les structures métalliquesviennent d'horizons différents et se raccordent. Et au-dessous se retrouvent primeurs, bouchers, poissonniers, fromagers, produits des terroirs, fleuristes, bistrots...
Nous sommes bien dans un pavillon de style Baltard, mais conçu par l'un de ses élèves. C'est le marchand de fleurs qui me l'a confirmé. Je lui ai acheté une paire de plantes "Mikado" parce qu'elles se dressent aussi fines que des aiguilles et aussi rectilignes que les baguettes du jeu portant toutefois chacune en leur extrémité une fleur miniature.
Puis j'ai rendu visite au quincaillier, au cordonnier, au serrurier...pour le plaisir. J'ai fini par y trouver des articles qu'il m'a semblé difficile de me procurer encore nul part ailleurs.
L'horloge n'indique plus l'heure exacte... que deux fois par jour.
L'allée poissonnière arbore un air de fête intemporelle: enseignes de néons, lampions de papier,
étoiles lumineuses, bonhomme de neige et réverbère
J'ai pris plaisir à arpenter les méandres intimes de ce "marché au clair de lune" avant d'en admirer l'ossature, plus édifiante vue de l' extérieur.
Je l'ai longé jusqu'au bout. Son extrêmité va se jeter dans les reflets multicolores au croisement des boulevards.
Qui oserait affirmer que les abords d'une gare sont lugubres ?
Rue du Faubourg Saint-Denis
Boulevard Magenta, boulevard de Strasbourg, rue du Faubourg saint Denis : tout se mélange, se fond et s'entremêle dans un tourbillon de lueurs partagées de la nuit.
Au coin de la rue Chabrol et du boulevard Magenta, la brasserie "P'ite Bougnate" ouverte jour et nuit, constitue l'une des dernières étapes éclairées avant de s'enfoncer plus avant en direction de la porte royale. La nuit passée, dès l'aurore, on vous sert un panier de croissants beurre tout chauds, accompagné d'un café crème. Paris sera toujours Paris. Les lieux communs de ce registre là me plaisent et me rassurent. Je prie pour qu'ils durent une éternité.
La rue Saint-Denis ancienne voie royale vers la porte nord de Paris, est un curieux mélange d'anciens hôtels XVII et de petites boutiques où tout se vend.
"L'escalier" ainsi nommé en raison de la présence intacte d'un escalier de bois datant du XVII siècle, était autrefois successivement une librairie et une école avant d'être reconverti en bar (classé monument historique tout de même), l'un des rares dans le quartiers où une clientèle branchée se rencontre.
Le dernier point de mire avant la pénombre, ou presque...
Nous venons d'amorcer le coin de la rue de Paradis presqu'endormie.