Mes promenades avec Pistol, bouledogue français ; sa vie, ses amis chats, chiens, vaches et chevaux. Balades insolites dans Paris et ses environs. Nos voyages, nos lectures, nos loisirs.
Peut-on trouver quelque part, au gré d'une balade dans l'une des avenues les plus cossues du seizième arrondissement de Paris, quelque trace tangible de celui qui dénonça avec une telle acuité la condition des Misérables ?
1860 : les anciens villages périphériques de l'ouest de Paris, Auteuil, Passy et Chaillot viennent d'être annexés à la capitale. Haussmann prend soin de les raccorder et de créer de grands axes ; il élargit les rues qu'il bâtit de fastueux immeubles.
1881 : on décide de rebaptiser l'ancienne avenue de Boulogne du nom d'un illustre résident qui a élu domicile au n° 124 : Victor Hugo vient de célèbrer son soixante-dix-neuvième anniversaire.
A l'orée du Bois de Boulogne, hôtels particuliers avec jardins privatifs, files ininterrompues d'immeubles haussmanniens se chevauchent ; les reliefs de la colline de Chaillot sont perceptibles tout en restant discrets..
Émergeant d'un décor de verdure, balcons de fer forgé et ballustrades des étages nobles (second et cinquième étages) sont des frises qui soulignent l'alignement néo-classique des somptueuses demeures.
Halls dont les plafonds atteignent des hauteurs vertigineuses, monumentales escaliers de marbre, tapis rouges, moulures ...
L'avenue est déserte la nuit, animée le jour. On fait ses courses en voiture sous la voûte des arbres. Les embouteillages sont monnaie courante, même un jour de semaine à trois heures de l'après midi.
En pleine journée les feux du jour rivalisent avec des spots électriques qui illuminent à l'envie, les nouvelles collections présentées dans l'ogive des vitrines.
Hôtels de luxe, ambassades, retraites privées, salons de thé, couturiers, créateurs, confiseries fines, joailliers ...
enfilades de boutiques feutrés flattant la coquetterie, la gourmandise, le "bon goût ...
Les portes cochères, grandes et généreuses toisent le visiteur impétrant
Le magistral nous tient en respect ...
Certains esprits critiques n'ont-ils pas reproché à Victor Hugo d'être pompeux ?
Entrées bien gardées, portes closes sur des vies avec leurs bonheurs, leurs victoires, leurs intrigues ou leurs drames ; elles ne s'ouvrent qu'avec parcimonie.
La façade de mosaïque d'un immeuble qui fait angle avec la rue Traktir n'est autre que celle du mythique restaurant "Prunier". Ouvert en 1925 par Emile Prunier, le restaurant est célèbre par ses légendaires plats de fruits de mer dégustés dans la célèbre
salle Art Déco.
L'établissement a été repris par Pierre Bergé qui a implanté une succursale "Prunier" place de la Madeleine, dans un décor au goût du jour, où caviar français et iranien se disputent la vedette.
Bref instant de repos, dans le décor sans prétention d'un petit restaurant de quartier où est évoquée la présence d'un poète... et où les visages se découvrent.
Nous venons d'atteindre la place Victor Hugo qui marque un halte circulaire entre les deux tronçons de l'avenue. Bercée par le tintement des cloches de la chapelle Saint Honoré d'Eyleau et rafraîchie par trois jets d'eau, pendant le belle saison.
Récemment rénovée, la fontaine se tarie en décembre pour accueillir trois arbres de Noël. C'est le moment où nos contemporains Misérables viennent planter leur bivouac sur les grilles de ventilation du métro et prendre leur quartier d'hiver au pied des plateaux de fruits de mer.