Mes promenades avec Pistol, bouledogue français ; sa vie, ses amis chats, chiens, vaches et chevaux. Balades insolites dans Paris et ses environs. Nos voyages, nos lectures, nos loisirs.
Aucun butoir n'est parvenu à brider notre envie de percer à jour, coûte que coûte, l'apparente désinvolture qui s'est emparée du prestigieux édifice. L'enceinte indubitablement détournée de ses affectations originelles s'est transformée un terrain de jeux où se donnent libre cours rencontres amicales et expériences artistiques
Après l'avoir au trois-quart circonscrit, nous avons retrouvé, embusqué derrière un mur de lierre de la rue Primo Levi, "le château abandonné", flanqué de sa tour. Etrangement, sa toiture d'ardoises parait impeccable et tranche de façon paradoxale avec l'état d'abandon qui l'entoure.
Les orifices de la tour sont gardés par de rébarbatifs cerbères. Un filet qui protège l'invincible forteresse de béton armé nous sépare, providentiellement, semble-t-il.
De fantasmagorique créatures jaillissent de la façade ; elles semblent désormais avoir élu domicile dans les sinuosités des parois dont la couleur est uniforme et indicible ; murs tristes, pisseux et fissurés auxquels elles restituent vie sous des formes inattendues.
D'une cavité, surgissent les dents aiguisées d'une mâchoire protubérante, derrière laquelle se dressent des traits puissants et redoutables : l'ogre qu'on avait relégué dans le tréfonds de nos fantasmes ancestraux, bondit de son territoire qui parait une prison, comme un diable d'une boite. A ses côtés, de douces créatures protégées des avanies du monde par l'Amour se tiennent prudemment à l'écart tandis que tourbillonnent au hasard, des figures oniriques.
Flanqué d'un château d'eau, le "château abandonné" fut conçu aux lendemains de la première guerre mondiale , pour servir d'entrepôt frigorifique aux produits frais, destinés à alimenter le "ventre de Paris". Son emplacement, au "Quatre-Vingt-Onze, quai de la Gare", au pied des Grands Moulins, sur la rive de la Seine opposée aux entrepôts de Bercy (où reposaient les vins), semblait tout indiqué.
La marchandise étaient convoyée au-delà des portails métalliques par des wagonnets qui s'engouffraient dans les vastes hangars. Des rails fixés aux plafonds permettaient de relayer le transport des charges qui étaient stockées dans des chambres froides. A partir des années 1970, les Halles déménagèrent pour s'établir à Rungis ; le vas et viens des wagonnets cessa . "Les Frigots" fermèrent leur sportes et s'étiolèrent.
Devant l'émergence des grands projets qui visaient à remplacer l'obsolète par du neuf, les Frigos dont la raison d'être ne se justifiait plus, allaient-ils disparaître ?
1985 : des artistes occupent les lieux ; ils apprécient la protection phonique et thermique offerte par les murs épais de la bâtisse, et s'insurgent contre l'idée de la voir tomber sous les coups des bulldozer . Ils demandent à la SNCF, propriétaire des lieux depuis 1945, l'autorisation officielle d'y élire domicile et de réaménager l'espace en ateliers, en salles de répétition, en studios de musique... moyenant rétribution d'un loyer.
Sous la presssion d'associations locales, l'affaire est conclue.
Les locataires, entrepreneurs et artistes confondus retroussent leurs manches et brassent un travail considérable : aduction d'eau, aménagement de sanitaires, pose de cloisons, ouvertures de fenêtres dans les façades aveugles, nivellement des sols.
"Les Frigos" abritent désormais une communauté de créateurs, réunis dans la convivialité chaleureuse de son enceinte.
"Les Frigos" revivent, mais leur histoire ne s'arrête peut-être pas là...