Nulle trace visible aujourd'hui d'une quelconque mare alentour, que je sâche, peut-être encore vivante, mais enfouie quelque part, sans doute pas loin d'ici...
La passerelle métallique de la rue de la Mare est un belvédère ... qui immerge le promeneur non initié aux secrets d'un monde à part, englouti sous la flore sauvage, et où une faune farouche et multiple reprend ses droits sur la rectitude autrefois civilisée des rails d'acier.
Le pont délimite l' inextricable capharnaüm d'herbe et de métal, de la rue de Ménilmontant qui le surplombe et vue d'ici, parait en comparaison, "très comme il faut".
De l'autre côté, les rails s'engouffrent dans l'obscurité caverneuse de la toute proche colline de Belleville.
On chuchote que le chemin de fer de la "Petite Ceinture" pénètre dans les carrières de Paris qui mènent aux Catacombes. Le fait m'a été confirmé ; je ne m'y risquerais qu'avec la plus grande prudence...
Nul train ne peut désormais en cacher un autre. La voie s'ouvre librement à l'audace du curieux, à l'errance du parias, à la verve éclatante du contestataire, mais aussi, de nuit, à d'occultes pratiques.
L'expansivité populaire et la gouaille des cafés du coin se sont mis en demie-teinte. Encore silencieux en cette fin de soirée de novembre, les cabarets frileux se drapent sous des auvents. Les habitués arriveront un peu plus tard. Et ce soir, comme tous les soirs, ce sera poèmes et musique.
Un peu plus haut, on rencontre les charmes bucoliques d'une petite ruelle qui pointe vers une destination d'autant plus mystérieuse qu'elle est improbable
L'immeuble fait angle. L'étroite rue Chevreau qui intersecte la rue de la Mare semble s'être éclipsée pour s'accommoder de sa présence... à moins qu'il ne s'agisse de l'inverse. Faits l''un pour l'autre, lierre et mur lézardé s'épousent
La rue de la Mare exécute sans relâche, la grimpette annoncée de Ménilmontant, indifférente à l'étendard coloré des anciennes boutiques reconverties en ateliers d'artistes
Il reste encore retirés sans l'intimité de petites coures, d'authentiques artisans.
Interrompant la longue lignée d'immeubles bas, une maison de maître se dresse, sobre et blanche, seulement protégée de la rue par un jardinet.
Bientôt, à la faveur d'une courbe, villas et boutiques anciennes laissent place à des HLM. de tailles modestes. Conçus dans les années par l'architecte Grumbach, les nouveaux immeubles doivent répondre à la nécessité de reloger les habitants d'anciennes maisons bon marché et vieillissantes. Des îlots entiers frappés d'insalubrité sont rasées. Le nouveau paysage doit cepndant se faire discret, pour s'adapter à l'ancien, heureusement sauvegardé.
Nous laissons la rue de la Mare rejoindre plus haut la rue des Pyrénées et bifurquons dans une rue pavée qui s'accroche à la butte.