Là où Victor Hugo rencontre Lamartine, se trouve un espace privilégié qui nous invite à apprécier "l'heure fugitive"
Après s'être assuré de refermer derrière soi une petite porte à taille d' enfant, On pénètre dans un sanctuaire, abrité sous une voute de tilleuls
Fraîchement arrachée à ma campagne natale, à ses espaces illimités, je jugeais ces aires de jeux qu'on appelle "squares", ceinturées de grilles, équipées d'un unique tas de sable où faisaient mine de s'ébattre des enfants harnachés de robes à smocks ou de culottes de velours-vestes bleu marine...policées à en mourir d'ennui, et m'y trouvais aussi déboussolée qu'un oiseau en cage.
Dépourvu de possibilité aucune de cachettes subtiles, sans pelouses à dévaler, le square Lamartine me paraissait un peu mesquin, mais je n'osais avouer mon mépris : je n'avais que huit ans. J'apprenais "la Ville" où un coin de verdure est accueilli et partagé avec bienveillance, pour le plaisir et le repos de tous..
Plus tard, ce petit square a commencé à revêtir à mes yeux certaines qualités ludiques, alors qu'à défaut de lac, c'est autour d'une fontaine que je retrouvais mes camarades de classe.
Juchés sur des patins à roulettes, nous entreprenions de dévaler en boucle les contours du square, en suivant la faible inclinaison des trottoirs qui l'entouraient . D'un côté nous nous élancions en laissant libre cours à notre vitalité, tempérée de l'autre par l'amorce d'une descente : j'avais dix ans.
Adolescente, mes parents me donnaient pour tâche de remplir des bouteilles d'eau au puits artésien, une eau précieuse, dont les propriétés ferrugineuses sont colportées de bouche à oreilles, au fil des générations.
Je me penchais au-dessus des grandes étoiles dorées...en formant des voeux que je gardais secrets.
Devenue mère, j'y ai emmené mes enfants qui a leur tour se sont construits des mondes, à l'ombre des tilleuls, sous le regard du poète
Suspendez votre cours !
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !